La nouvelle version 12.2 de la base de données Oracle (12C R2) ne sera disponible qu’en mode cloud dans un premier temps. C’est ce qu’a révélé CRN sur la base d’une présentation qu’a faite un vice-président d’Oracle en charge des produits de bases de données lors d’une convention utilisateurs qui s’est tenue fin juin en Ecosse. Ce-dernier a indiqué que la version « Cloud first » de la base de donnée serait disponible dans la seconde moitié de l’année mais n’a pas précisé quand sortirait la version on-premise. Des sources proches de l’entreprise confirment qu’elle serait retardée de quelques mois par rapport à la version Cloud, voire même de quelques trimestres, précisément pour stimuler l’adoption du Cloud.
Cette décision pourrait compliquer les décisions d’achat des entreprises qui attendent généralement la première mise à jour d’une nouvelle version majeure pour migrer. « Cette version Cloud first de la 12.2 risque de fruster une majorité des clients déjà détenteurs de licences et ayant souscrit un contrat de support leur permettant théoriquement de bénéficier des mises à jour dès leur disponibilité », explique en substance CRN. En l’occurence, s’ils ne souhaitent pas basculer dans le Cloud, ces clients seront les derniers à en bénéficier.
Apprenant la chose par le biais du tweet d’un chef de produit Oracle basé à Munich qui reproduisait une image de la présentation de juin, des clients qui n’ont pas manqué d’exprimer leur défiance vis-à-vis de cette décision en postant des commentaires acerbes. Du style : « Désolé qu’Oracle n’ait pas réalisé l’impact de cette initiative […] » ou « les clients vont douter de l’avenir avec Oracle », ou encore « Pourquoi Cloud ? Est-ce que des entreprises qui investissent dans Oracle en tant que plateforme de base de données, cela ne signifie rien pour Oracle ? ». Mais difficile pour l’instant de se faire une idée générale de la réaction des clients pour la bonne raison qu’il n’y a pas encore eu de communication officielle d’Oracle.
« L’impact client devrait être minime »
Du côté des partenaires français, on se veut philosophe et pragmatique. « Le fait qu’Oracle utilise ses produits pour ses propres besoins est plutôt une bonne chose. Cela va permettre de bénéficier d’un test grandeur nature pour évaluer les atouts de cette nouvelle version, souligne Gilles Knoery, directeur associé de la société de services Digora. Certes, c’est plutôt frustrant de savoir qu’on ne pourra pas en disposer sur site dans un premier temps. Mais l’impact client devrait être minime. La plupart attendent avant de migrer vers une nouvelle version de base de données, notamment que leurs fournisseurs d’applications l’aient validée. Du reste, la grosse majorité des clients est encore sous v11 et n’a pas migré vers la v12. Peu de clients attendent cette version avec impatience. C’est avant tout un symbole, une manière pour Oracle de montrer son engagement pour le Cloud ». Même son de cloche de Didier Rault, patron d’AR Systèmes : « Nos clients attendent quelques retours d’expériences avant de migrer sur une nouvelle version. Reste à connaitre l’écart de délai de mise à disposition… Un trimestre peut être acceptable. »
« On peut voir dans la sortie précoce de cette version Cloud first comme un gage d’Oracle vis à vis de ses clients ayant souscrit des crédits Cloud ou des licences échangeables contre des services Cloud. Ces crédits leur a souvent été imposés en échange de remises sur l’achat de leur licences et sont rarement utilisés. Cette nouvelle initiative d’Oracle est donc une façon de les valoriser », analyse un partenaire.
Les principales nouveautés de la v12.2 incluent des améliorations du multi-tenant et de meilleures performances pour le in-memory et pour l’analyse de données.
Le niveau de frustration des clients dépendra du temps que mettra Oracle pour libérer la version on-premise, résume un consultant spécialisé dans l’accompagnement des clients dans leurs négociations avec Oracle, cité par CRN. Mais il ne faudrait pas que cela prenne un an et que des clients se rendent compte que leurs concurrents ont bénéficié de cette nouvelle version avant eux juste parce qu’ils ont des ressources dans le Cloud.
Oracle donne l’impression à ses clients de leur forcer la main
Quant à savoir si cette initiative est de nature à favoriser effectivement l’adoption du Cloud Oracle, les partenaires répondent majoritairement par oui. Certes, Oracle donne l’impression à ses clients de leur forcer la main et cela risque de ne pas arranger son image déjà racornie par « la complexité de son licensing et les nombreux contrôles et redressements opérés depuis quelques années », explique en substance un partenaire. Mais « c’est le sens de l’histoire, estime Robert Cunillera, directeur data center transformation de CFI. Le Cloud est et sera l’offre prônée par tous les grands éditeurs. L’adoption de cette façon de consommer de l’application à l’usage va se répandre au fur et à mesure en remplaçant la contractualisation des contrats software traditionnels, très coûteux, peu lisibles, contraignants et n’offrant aucune souplesse de consommation donc d’utilisation ». « C’est incontestablement un moyen pour Oracle de montrer qu’il y a des avantages à basculer certaines instances dans le Cloud public, juge Gilles Knoery. Pour les besoins de test, notamment, le Cloud d’Oracle est quasiment parfait. » Pour Didier Rault, non seulement cela va favoriser l’adoption du Cloud Oracle par les clients mais même les éditeurs et les intégrateurs vont y venir, abandonnant les leurs au passage.
De même, le risque de fuite des clients vers des fournisseurs alternatifs est jugé marginal. « Peut-être que quelques clients montreront les dents, hausseront le ton. Mais pour remplacer par quelles solutions sans mettre en péril leurs bases existantes, s’interroge Robert Cunillera ? C’est une opération extrêmement périlleuse avec une part d’inconnue indéniable. Et qui sait si la solution de substitution ne mettra pas en œuvre la même stratégie pro-Cloud dans un avenir proche ? Je suis sûr qu’Oracle saura ménager ses plus gros clients en faisant des concessions financières et des délais de grâce. Mais au final il imposera son modèle. »
Menace ou opportunité ? les partenaires partagés
Cette initiative d’Oracle est finalement perçue comme une opportunité par certains partenaires qui y voient l’occasion de monter en gamme et de développer des services d’accompagnement plus sophistiqués et plus teintés architectures. Mais pas par tous. « Dans la phase de transition, cela représente bien évidemment des opportunités. Mais à court terme. Car une fois que les clients seront dans le Cloud, ils seront gérés entièrement par l’éditeur à la mode Microsoft, Google et consorts », s’inquiète ainsi l’un d’eux.
En réponse aux questions que lui posaient CRN pour confirmer que la v12.2 ne serait disponible qu’en version « Cloud first » dans un premier temps, Oracle s’est justifié dans un message envoyé à la rédaction en répondant : « nous nous sommes engagés auprès des clients à leur offrir plus d’options pour aller dans le Cloud car il les aide à réduire leurs coûts, à devenir plus efficaces et plus agiles » Toute la stratégie d’Oracle se trouve résumée dans cette phrase.