Les revendeurs de téléphonie mobile sont inquiets pour leur avenir. Ils ont fait très peu de ventes au mois de janvier ce qui pourrait entraîner des difficultés de trésorerie pour certains d’entre eux dès mars.
Les revendeurs de téléphonie mobile commencent à se demander s’ils ne vont pas être les principales victimes de l’arrivée de Free Mobile sur le marché. « On ne vend plus un abonnement traditionnel depuis le 12 janvier, date du lancement de l’offre Free », soupire la gérante d’un revendeur multimarque d’une petite ville de Savoie.
Et de poursuivre : « les clients qui entrent dans la boutique cherchent avant tout un moyen de baisser leur facture. Malheureusement, à moins de les renvoyer vers leurs offres low cost souscriptibles uniquement en ligne, aucun des trois grands opérateurs n’a encore de réponse à nous proposer. Il nous faudrait au moins une petite formule autour de 20 € pour les clients qui ne sont plus engagés. Cela permettrait à ceux qui le sont encore d’attendre sereinement. »
Pas d’offres alternatives chez les opérateurs historiques
La seule réponse venue de SFR, son principal partenaire, est la formule Carré Web 24/24 qui fait tomber le coût de l’illimité à 41 € par mois avec le téléphone mais à condition que le client ait déjà la box SFR. Si c’est un nouveau client, SFR a prévenu que le distributeur ne toucherait aucune commission sur la vente.
Les seuls à avoir réagi sont les opérateurs alternatifs, comme Coriolis Telecom qui propose une formule illimitée à 18,80 € : Brio Maxi Liberté. En tant que revendeur multimarque, il reste donc la possibilité à notre gérante de se tourner vers ce type d’offres alternatives (qui permettent au passage de vendre des téléphones nus). Mais beaucoup, notamment les franchisés SFR ou Bouygues, n’ont même pas cette opportunité car ils ont signé des contrats d’exclusivité.
Une activité en forte baisse au mois de janvier
Exclusifs ou non, le mois de janvier a de toute façon été difficile pour tout le monde, ce qui va se traduire dès la fin du mois de février, au moment du versement des commissions opérateurs, par un important manque à gagner susceptible de fragiliser un certain nombre d’entre eux. Du moins chez les indépendants. Car du côté des enseignes spécialisées, type The Phone House, qui aligne 350 magasins (dont 75 franchisés), on se montre moins pessimiste.
Certes, son directeur du réseau, Cédric Hélias, admet que l’activité est en baisse sensible (sans préciser de combien) mais indique que la moitié de cette baisse d’activité est imputable à la très forte augmentation de l’activité enregistrée en janvier 2011 suite à l’augmentation de TVA sur les forfaits mobiles qui avait permis à de nombreux clients de résilier leur abonnement sans pénalités au motif de la modification des conditions contractuelles.
Les ventes de terminaux nus multipliées par cinq
Il confirme l’attentisme des clients mais fait état d’un important trafic en magasins. « Les clients se renseignent pour savoir si on distribue Free, ce qu’on en pense et ce qu’on peut leur proposer ». Pour l’instant, l’enseigne pousse les offres quadruple play des opérateurs traditionnels. « Leurs prix ont baissé de 30% à 40% ce qui les rend équivalentes, voire plus attractives, que celle de Free. Car elles incluent le mobile. Par exemple On peut avoir le Samsung Galaxy S2, l’un des produits best sellers du moment, pour 1 € chez Orange ». Le directeur du réseau The Phone House assure que l’enseigne a multiplié ses ventes par plus de trois sur ces offres.
Autre opportunité née de l’arrivée de Free sur le marché : les ventes de terminaux nus débloqués de l’enseigne ont été multipliées par cinq. « Nous bénéficions de l’avantage d’avoir la gamme de téléphones débloqués la plus importante du marché », remarque Cédric Hélias. Par ailleurs l’enseigne met l’accent sur ses services (paiement trois fois sans frais, offres de reprise, services premiers pas…) pour faire la différence.
Les tablettes et la fibre en attendant mieux
Enfin, The Phone House mise énormément sur l’accélération du marché des tablettes (3 millions de pièces attendues cette année contre 1,2 millions en 2011) et sur celui de la Fibre. « Pour 5 € de plus, on va proposer au clients de passer de l’ADSL au très haut débit ».
Cédric Hélias n’est donc pas inquiet pour les prochains mois. Il sait que le groupe est solide financièrement et se dit convaincu que les opérateurs historiques réagiront avant l’été en remettant à plat leurs tarifs et leur gamme.
C’est aussi la position du directeur général d’un distributeur national de téléphonie mobile mais orienté sur la clientèle entreprises. Pour lui, l’arrivée de Free va obliger les opérateurs à revoir leurs tarifs. Mais sans dégrader leurs offres et leur qualité de service. Il rappelle que les entreprises cherchent « un service au meilleur prix mais pas le meilleur prix sans service ».
Free ne pose pas de problème en entreprises
« Car, si Free pose un problème dans le grand public, c’est encore loin d’être le cas dans les entreprises, même si le sujet est systématiquement abordé en rendez-vous ». Il remarque que le nouvel arrivant n’offre aucun accompagnement dédié aux entreprises. Sans parler de l’offre de terminaux limitée, des coûts cachés à l’international, et surtout de l’absence de cartes 3G. Pour lui, Free a une place mais il se dit convaincu que les opérateurs historiques sauront préserver leurs parts de marché, fut-ce au prix d’une baisse inévitable de rentabilité.
Reste toutefois quelques inconnues : comment vont réagir les opérateurs ? Quand ? Est-ce que les engagements vont disparaître ? Et dans ce cas, comment seront rémunérés les revendeurs ? Incontestablement, l’arrivée de Free risque d’entraîner un changement radical du modèle de distribution de la téléphonie mobile et un certain nombre de revendeurs pourraient en faire les frais.