Sopra et Stéria ont récemment annoncé leur intention de fusionner, en communiquant sur le fait qu’il s’agissait d’un mariage « entre égaux ». Mais que recouvre exactement ce concept, très à la mode en ce moment ?
Stricte égalité entre deux partenaires ou un effet d’annonce ?
Faisons parler les chiffres
- Le chiffre d’affaires de Stéria pèse 30% de plus que Sopra et représentera 56% de celui du nouvel ensemble. Donc avantage Stéria, malheureusement c’est le seul !
- Alors qu’en 2013 les ventes de Stéria baissaient de 4%, celles de Sopra augmentaient de 11%. En conservant les mêmes rythmes, et toutes choses étant égales par ailleurs, le chiffre d’affaires de Sopra dépasserait celui de Stéria en 2015 !
- La part de marché d’une entreprise est certes un indicateur important, mais combien gagne-t-elle pour chaque € vendu ? Pour 100€ de prestations vendues, Sopra gagne 8€ alors que Stéria n’en gagne que 3 ! Sopra est 3 fois plus rentable que Stéria !
- Sur la base des bénéfices 2013, il suffirait d’un an et demi à Sopra pour rembourser sa dette. Il faudrait 25 années à Stéria pour effacer sa dette !
Avant / après :
La situation de Sopra est à l’évidence bien plus saine que celle de Stéria. Mais comment le marché financier perçoit-il ces deux SSII ?
- Avant l’annonce de l’opération, la capitalisation de Sopra correspondait au double de celle de Stéria. Le marché valorisait chaque € vendu par Sopra à 76 cents contre seulement 30 cents pour Stéria. Autrement dit, il valait mieux être actionnaire de Sopra.
- L’Offre Publique d’Echange, qui à ce jour n’a pas soulevé d’objection de la part des investisseurs et des analystes, valorise l’action Stéria à 22€, ce qui veut dire que la valorisation de Sopra reste supérieure à celle de Stéria d’environ 40 %. L’OPE valide donc le fait que Sopra vaut plus que Stéria.
Appelons un chat un chat
Sopra rachète Stéria, point barre. Cette fusion fait d’ailleurs sens tant la culture des deux entreprises est proche. Mais alors pourquoi mettre en exergue cette notion d’égalité qui n’existe que sur le papier ?
C’est là qu’intervient un autre pouvoir, celui du top management.
- La direction de Stéria doit sauver la face et rassurer ses troupes.
- Celle de Sopra ne veut pas prendre le risque de diminuer la valeur de ce qu’elle vient d’acquérir. Ne voulant pas faire peur aux salariés de Stéria, Sopra troque son rôle de prédateur pour celui d’un partenaire.
Bien sûr nul n’est dupe, et la mixité apparente en haut de l’organigramme ne résistera pas bien longtemps au fait moult fois vérifié que, dans une absorption, tôt ou tard la culture du prédateur l’emporte sur celle de la proie.
En résumé, comme le disait George Orwell dans « La ferme des animaux », tous les animaux sont égaux, mais certains le sont plus que d’autres.
Cette tribune a été rédigée par Claude Gourlaouen et a été publiée initialement sur son blog Connect-IT.
À propos de l’auteur :Depuis plus de trente ans dans le secteur des services informatiques, Claude Gourlaouen a occupé durant les vingt dernières années des postes de management dans différentes sociétés de services. Il est notamment passé par Syseca, par Teamlog et par Groupe Open, où il a occupé le poste de directeur région Ile-de-France jusqu’en 2011. Il a aussi créé et dirigé une société de services et un cabinet de conseil. Depuis dix-huit mois il conseille des dirigeants de SSII dans leur stratégie de développement et réalise de l’analyse d’offre pour le compte de donneurs d’ordres.