Les 10 millions d’euros de bénéfices rapatriés dans les comptes d’Oracle France vont d’abord profiter aux salariés. Des salariés d’autant plus ravis qu’ils peuvent s’attendre à de nouveaux redressements fiscaux.
Malgré les licenciements et la pression sur les salaires, serait-ce le début d’une période bénie pour les salariés d’Oracle France ? La question peut se poser alors qu’ils vont être les premiers bénéficiaires, au titre de l’intéressement, de la manne de 10 millions de dollars de bénéfices que la société vient d’être contrainte par le fisc de rapatrier dans ses comptes. Des bénéfices « exilés » en Irlande grâce à un subterfuge comptable, a jugé le fisc.
« Oracle a déployé des contrats de commissionnement dans les pays où l’impôt sur le revenu est important, explique Franck Pramotton, délégué CFDT Oracle. Il s’agit d’un statut juridique qui transforme les filiales rentables en agents commerciaux. Les flux financiers sont transférés vers des pays à faible taux d’imposition comme l’Irlande ou le Luxembourg. Ces derniers versent ensuite à la filiale une commission sur vente. A l’origine cette commission était de 2%, aujourd’hui elle est à peine de 1%. C’est cette commission qui apparaît ensuite au bilan de l’entreprise ».
Selon ce dernier cette « mécanique très sophistiquée » a progressivement été mise en place depuis le début de la décenie. « Les impôts et la participation aux bénéfices versés aux salariés ont diminué depuis 2000 pour devenir nuls en 2005 ». Ce tour de passe-passe financier n’est bien sûr pas du goût de la DGI, laquelle multiplie les contrôles fiscaux. Elle s’apprêtait, semble-t-il, à faire convoquer Oracle devant les tribunaux pour fraude fiscale. Un accord a finalement été trouvé, au plus grand bénéfice des salariés. « Selon cet accord, les bénéfices fiscaux ont été recalculés. Par un effet induit ce nouveau calcul a généré le versement de gratifications », précise Franck Pramotton.
Ce dernier dénonce cependant une certaine injustice dans la répartition de cette somme, qui soit dit en passant représente près de 6.200 euros par collaborateur. « Il y a une différence entre la justice sociale et la justice fiscale. On ne peut que regretter que la loi accepte que les bénéfices de ce redressement ne soient pas versés exclusivement à ceux qui les ont générés ». En effet, les salariés qui ont quitté l’entreprise depuis le début de la décennie n’auront rien à se mettre sous la dent. En revanche les personnes recrutées récemment mais avant la date butoir du 31 mai toucheront le pécule.
Cet accord marque réellement un tournant dans la gestion de la société. « Il aura un effet de cliquet sur la manière dont les comptes seront établis pour les autres exercices », croit savoir Franck Pramotton qui s’attend d’ailleurs à d’autres versements de ce type. « Le redressement n’est que partiel », estime le syndicaliste qui évoque des changements de même nature outre-Atlantique. « L’administration Obama veut mettre en place de nouvelles règles pour étendre son champ d’investigation sur les multinationales dont les flux rejoignent des paradis fiscaux ou même des Etats comme le Delaware, où la législation fiscale est particulièrement souple. » Gageons que lesdites multinationales trouveront malgré tout le moyen de réduire leur feuille d’imposition.